Je me réveille nauséeuse, je me suis encore empiffrée hier soir. Un ou deux cafés mis à part, je ne mangerai rien jusque 15h. Ça me donne l’impression de me maitriser, en contraste avec ma capitulation, la veille, face aux assauts de mes pics de glycémie. Je me punis aussi de mon manque de retenue. Je m’interdis formellement de mettre quoi que ce soit dans la bouche, je la garderai hermétiquement close parce que vorace une poignée d’heures plus tôt. Je tiendrai le temps que je tiendrai, mais je ne me fais pas d’illusion, je sais déjà que la bête insatiable ressortira aux petites heures de la nuit.
Jusque récemment, je ne savais pas que ce comportement face à la nourriture avait un nom : l’hyperphagie boulimique. Un trouble du comportement alimentaire qui se manifeste par des épisodes de suralimentation incontrôlée et excessive. La différence avec la boulimie « classique » étant que ces épisodes ne sont pas suivis de comportements compensatoires comme les vomissements. À force de traverser ces crises les unes après les autres, j’en ai repéré trois étapes distinctes : la naissance de la pulsion, montante comme la marée, suivie de la vague immense de l’ingurgitation effrénée et enfin le dégoût et la haine de soi.