Au chapitre des relations amoureuses et sexuelles, je n’ai pas été précoce. Adolescente puis jeune fille, je regardais de loin, la chose m’intriguait vaguement mais me foutait surtout les jetons. Je restais donc en dehors, à couvert. Pendant longtemps, j’ai considéré que ce n’était pas pour moi, dans le réel du moins, mon monde intérieur était quant à lui très luxuriant en la matière. J’inventais des scénarios pas possibles impliquant mes chanteurs et acteurs favoris. Leonardo DiCaprio, Gerald des G-Squad, Saint Seiya des chevaliers du zodiaque, Drazic de Hartley Cœur à vif, Christophe Rippert de Premier Baiser. Baptiste, Dominique et Julian de 4ème B ne faisait simplement pas le poids face à la sélection olympique de mon imaginaire. Comme la sexualité m’intimidait, l’esprit était un espace d’expérimentation théorique, sans risque.

Pour bien appuyer le fait que je n’étais pas sur le marché du cul, j’ai longtemps entretenu une dégaine « masculine ». Je portais de très larges t-shirts Adidas ou Fila, des pantalons de survêt rehaussés de paires de baskets – TN Nike bleues électriques, Reebok blanches classiques ou pumas en velours bordeaux. Je ne cherchais pas à séduire et on ne cherchait pas me séduire en retour. J’étais celle que l’on prenait dans son équipe de handball, pas en soirée. Quant aux jalons et rituels de passage, j’ai échangé mon premier baiser à 16 ans et coucher avec un premier mec à l’âge de 20 passés. Pas précoce vous dis-je. En revanche, je trainais avec les filles qui l’étaient. Comme je vivais dans ma tête, écouter mes amies en avance sur leur âge me donnait le frisson (tout en soustrayant le danger) d’expérimenter de façon spéculative, par procuration. J’étais attirée par ces filles, elles me fascinaient, je les trouvais flamboyantes, déjà à l’aise sur de petits talons, le geste de la main assuré en traçant leur trait de liner, une petite moue et un regard en-dessous relatant leur soirée de la veille ou leur weekend alors que moi, je n’avais même pas idées de la sensation de lèvres qui se posent sur les miennes.

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